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Electronique quantique, l’avènement du LaserL'invention ou la découverte du laser est un fait marquant du XXe siècle. L'objet de cet ouvrage est de présenter la genèse de cette invention en 1960 et de détailler le cheminement historique ayant conduit à cette réalisation, depuis le postulat d'une émission induite par Einstein en 1917 jusqu'aux différends développements de maser dans les années 50. |
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L’avènement
du laser en 1960 En mai 1960, Theodore H. Maiman réalisa le premier laser de l’histoire dans les laboratoires de recherche Hughes de Malibu ; Il s’agissait du premier dispositif par lequel on réussirait à produire par émission stimulée des vibrations lumineuses auto-entretenues et cohérentes. C’était un modèle à rubis rose fonctionnant selon un mode pulsé. Alors que la communauté attendait l’avènement du laser sous la forme d’un procédé à gaz, Maiman créa la surprise en réalisant un laser à solide. La situation à la fin de l’année 1959 était que peu de travaux pratiques étaient engagés ; les chercheurs de l’époque étaient plus motivés par des publications théoriques amenant un par un les concepts candidats à la réalisation du premier laser. De plus, Schawlow avait annoncé le rubis comme milieu candidat mais, en 1959, déclarait que ce même rubis ne pouvait convenir au laser. Cet ensemble de circonstances explique le caractère hautement événementiel de l’invention de Maiman. En conclusion, l’avènement du laser à rubis est une surprise pour trois raisons :
Maiman, chercheur atypique et fort pragmatique, n’était pas supposé travailler sur un projet de laser. Son invention fut donc une surprise bien qu’il ne s’agisse pas d’une découverte accidentelle. Maiman excellait dans la spectroscopie des ions de chrome dans le rubis rose et c’est ce qui le conduit au laser à rubis.
Son dispositif est un laser dit à corps solide. Le milieu actif est constitué d’ions incorporés en faible quantité dans un hôte cristallin. Le rubis est un corindon, cristal uniaxe composé d’oxyde d’aluminium Al2O3, incorporant un dopage en ions de chrome Cr3+ d’environ 0,02% à 0,08% en poids (dans le cas du rubis rose). En pratique, les cristaux de rubis de pourcentage variable en chrome sont produits synthétiquement à l’échelle industrielle par le procédé Verneuil : fusion d’un mélange de poudre d’alumine et d’oxyde de chrome au chalumeau oxhydrique). Dans le cas du premier laser de Maiman, il s’agissait d’un dopage entre 0,04% et 0,05%. Plus tard, d’autres versions comme les rubis rouges et les rubis sombres seront exploitées pour rechercher de meilleures performances. L’inversion de population est produite par pompage optique. Les bandes d’absorption pour ce pompage se situent principalement dans le visible entre 3500 Å & 6000 Å (principalement dans le vert). La transition laser a lieu principalement à 6943 Å.
Par absorption de la lumière verte d’une source de spectre continu, les ions Cr3+ sont pompés optiquement du niveau fondamental 4A2 à un niveau excité 4F2 dont la durée de vie est très courte, inférieure à 10-7 secondes. Par des transitions non radiatives, dues à l’interaction des ions excités avec les ondes d’agitation thermique du réseau cristallin, les ions transitent à un niveau 2E. Ce dernier niveau se compose de deux sous-niveaux séparés par un intervalle de 29 cm-1. La durée de vie de ce niveau est longue, de l’ordre de 5 ms. De ce niveau, les ions retournent à l’état fondamental par émission du doublet rouge de fluorescence R1, R2 de longueurs d’onde respectivement 6943 Å & 6929 Å. Ces raies de fluorescence ont une finesse de l’ordre de 10cm-1 à température ambiante. Elles deviennent beaucoup plus fines lorsqu’on refroidit le cristal à la température de l’azote liquide. Au cours du refroidissement, les centres de ces raies se décalent de quelques cm-1 (en direction du bleu).
La figure ci-dessus présente le dispositif pratique. Un barreau de rubis constitue le support du milieu actif mais également la cavité résonante au moyen d’un traitement réfléchissant sur chacune de ses extrémités. Une lampe flash au xénon enveloppant le rubis accomplit le pompage optique. La mise en œuvre est simple ; c’est ce que voulait Maiman. En mai 1960, quand le dispositif devient opérationnel, le succès est incontestable. Les responsables de Hughes se révèlent enthousiastes dès la première démonstration et vont engager une opération médiatique en juillet pour promouvoir l’invention de Maiman. Il s’agit de communiquer sur le fruit de ces travaux menés dans leurs laboratoires de recherche en électronique de Malibu. Un problème survint quand Maiman voulut soumettre son article pour publication à la revue Physical Review Letters qui le rejeta avec cette mention devenue célèbre : just another maser paper. L’éditeur Samuel Goudsmit, pourtant considéré comme un théoricien reconnu, était encombré d’articles de maser arrivant sur son bureau et il avait décidé que le sujet ne méritait plus de publications rapides. Maiman prépara un texte concis de 300 mots qui fut immédiatement accepté par la revue Nature sous le titre : Stimulated Optical Radiation in Ruby. Les responsables de Hughes persévérèrent auprès de Goudsmit pour le convaincre de son erreur mais sans résultat. La revue Nature publia ainsi le 6 aout 1960 l’annonce du premier laser en toute primeur. Schawlow vérifia l’expérience du laser à rubis durant l’été et la confirma dans un article envoyé à Physical Review Letters en aout 1960. Maiman publia plus tard une analyse détaillée dans cette même revue Physical Review Letters. Extrait de l’article initial : …a ruby crystal of 1 cm dimensions, coated on two parallel faces with silver, was irradiated by a high-power flash lamp ; the emission spectrum obtained under these conditions…Theseresults can be explained on the basis that negative temperatures were produced and regenerative amplification ensued… Toute cette campagne médiatique orchestrée par Hughes durant l’été 60, alliée à la validation de Schawlow, produisit l’effet d’une bombe : chaque laboratoire voulait produire son laser. Les chercheurs du domaine étaient d’autant plus encouragés que le dispositif de Maiman était simple et élégant mais aussi fort efficace. En effet, les pulses étaient puissants et les perspectives d’amélioration des performances étaient évidentes. L’invention de Maiman initialisa aussi une recherche intense sur d’autres milieux candidats ainsi que sur toute technologie susceptible de produire un dispositif laser.
La communication au grand public précéda la publication académique. Le laser y fut présenté comme extraordinaire évidemment ; la vulgarisation de ses propriétés remarquables s’effectua dans un contexte où science-fiction, conquête de l’espace, armes de destruction massive, et « big science » en général constituaient la culture du sensationnel de l’époque. Le concept « Atomic Radio-Light » Maiman présentait le laser comme le concept « Atomic Radio-Light ». Cette formule, fort efficace pour marquer les esprits de 1960, permettait d’introduire et d’expliquer les propriétés de cohérence que Maiman rapprochait de celles des ondes radio ; il s’agissait aussi de définir la méthode présentée comme « atomique » pour générer un faisceau de lumière extraordinaire qui s’avérait plus brillante que celle du soleil ou des étoiles en général, même en leur centre le plus chaud. Maiman insistait sur l’aspect « rayon presque parfaitement parallèle » en présentant l’exemple d’une liaison terre-lune par laser qui produirait une zone d’illumination inférieure à 10 miles de largeur. Cette performance ouvrait la voie aux télécommunications optiques à longue distance, y compris celles orientées vers l’espace. Tous ces effets de vulgarisation initialisèrent le concept de rayon de la mort. La science-fiction exploitait déjà cette idée depuis le 19ème siècle et en 1960, dans un contexte de guerre froide, le rayon de la mort représentait le concept le plus marquant dans l’imaginaire de l’époque. De toute évidence, la communication grand public s’empara de cette formule de rayon de la mort pour impressionner les esprits. En conclusion, l’invention de Maiman connut une communication exploitant tous les ressorts dramatiques de l’époque pour sa vulgarisation. Faire mieux que le soleil et apporter la solution d’un rayon de la mort, thème majeur de la science-fiction, constituaient l’une des inventions les plus extraordinaires. En matière de rendement médiatique, l’invention du laser aura eu un impact sans commune mesure avec celle du maser quelques années plus tôt.
Cette photographie illustre clairement la réalité du laser originel de Maiman. On distingue, dans l’une de ses mains, la lampe flash enveloppant le barreau de rubis et, dans son autre main, le boitier réflecteur contenant l’ensemble.
Ce croquis présente distinctement le dispositif originel de Maiman. Le boitier réflecteur de forme cylindrique optimise l’efficacité de la lampe flash au xénon. Celle-ci assure la fonction de pompage optique. |
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